« Cette plante sacrée nous a été léguée par nos ancêtres », rappelle doctement le « sangoma », veste léopard et pantalon kaki, dans son cabinet du centre-ville de Johannesburg.
« Les guérisseurs qui exerçaient avant nous nous ont formés à l’utiliser pour remettre les malades sur pied », poursuit le « Dr » Ewrong-Nxumalo, « c’est une plante qui protège et je suis ravi que la loi finisse enfin par le reconnaître ».
En septembre, la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud a mis fin à une longue saga judiciaire en légalisant la consommation de la marijuana à usage personnel pour les adultes, jusque-là interdite et punie de peines de prison ferme.
La plus haute instance judiciaire du pays a laissé deux ans au Parlement pour adopter un nouveau texte.
Sans l’attendre, tous les malades qui fument de l’herbe pour se soigner ont applaudi les « sages » des deux mains. Ils sont nombreux: une étude commandée en 2007 par le gouvernement a évalué à 26 millions le nombre de Sud-Africains qui ont recours à la médecine traditionnelle. La moitié de la population…
Siphelele Luthuli est une pratiquante convaincue. A 47 ans, elle souffrait d’asthme et s’est soignée en se procurant son cannabis auprès d’un revendeur. « A l’évidence c’était illégal, alors je me fournissais auprès d’un marchand de rue en qui j’avais confiance et qui le récoltait lui-même », reconnaît-elle.
Infusions
Cette commerçante de Durban (nord-est) a opté pour la « dagga », comme on l’appelle ici, pour éviter les cocktails de stéroïdes plus classiques qui lui faisaient prendre du poids.
Son médecin lui a donné l’autorisation de faire infuser son propre thé au cannabis, pour un prix nettement inférieur.
« Je le faisais bouillir moi-même sur la foi d’une recette trouvée sur internet », raconte-t-elle. « Mes mesures n’étaient pas très précises mais je me rassurais en sachant qu’on ne peut pas faire une overdose d’herbe, c’est une plante naturelle. »
Le goût de son breuvage n’était pas très engageant, confie la malade, mais visiblement efficace. « J’en ai pris pendant un an et quand j’ai refait un bilan en 2015 mon médecin m’a demandé comment je faisais, car il ne m’a pas donné d’ordonnance. »
Siphelele Luthuli est aujourd’hui considérée comme guérie.
Tousseur compulsif, Sipho Ntanzi est lui aussi un adapte de la marijuana. Dans sa famille, c’est une évidence médicale, explique-t-il.
« Quand j’étais petit, mon oncle avait l’habitude de faire des infusions de cannabis et ça ne dérangeait personne », se souvient ce tondeur de moutons de 23 ans. « Vous n’aviez des problèmes que lorsque vous commenciez à en fumer ».
Pour se dégager les bronches, il fait des cures d’un mois. Un bol de thé au cannabis le matin, un le soir. « Je me sens plus fort, c’est comme si j’avais remis mes compteurs à zéro ».
Le jeune homme en est convaincu, sa potion magique est plus efficace que les très chers médicaments modernes.
Comments
Post a Comment